Dans le schéma général de l’offensive vers le Rhin sur la ligne Chaumont Wissenbourg les Alliés prévoient de résoudre le préoccupant problème de la traversée du massif des Vosges en coupant en deux le front allemand [1]. Ils prévoient pour cela un coup de boutoir en plein centre, en plongeant par surprise [2] par les "petits cols" du Donon, du Hantz, de Saales... qui débouchent sur la vallée de la Bruche. Stratégie qui présente 3 intérêts :
– Celui de mettre à profit l’existance depuis la nuit des temps de ce passage le plus court vers le coeur de l’Alsace, Strasbourg, Sélestat... le Rhin !
– Celui de soulager une nécessaire poussée envisagée par le Nord (ce qui sera fait, plus tard, par Leclerc [3]
– Celui de soulager un prévisible difficile enveloppement de Patch et de Lattre depuis le Sud vers Mulhouse et Colmar [4]
C’est pour permettre de mener à bien cette audacieuse opération, idée de Patton, nécessaire à sa 3ème Armée US, que l’état-major allié décide de mettre à profit les ressources de la Résistance d’ici [5] Résistance qu’on charge de 4 principales missions :
Sécuriser la préparation de l’offensive :
– En renseignant en temps réel sur l’organisation et les mouvements des positions allemandes [6]
Précéder l’avance :
– En désorganisant l’état-major allemand par des harcèlements dispersés destinés à créer un effet multiplicateur, et l’amener à puiser des troupes dans ses positions du Nord et Sud du massif
Accompagner l’avance :
– En "nettoyant le terrain", par la destruction des moyens techniques et la prise de contrôle des routes et cols menant à la vallée de la Bruche
– En guidant et appuyant les avant-gardes
Etre prête à intégrer les formations en marche vers le Rhin
Reste donc à l’organiser stratégiquement et à l’équiper [7]. Tâche laborieuse : orgueil humain, prétentions individuelles, appartenances idéologiques, différences et concurrences... n’étant pas mathématiquement fondatrices d’unité et d’efficacité [8]. Tâche périlleuse : nous sommes ici depuis 4 ans dans la Zone Réservée, à l’intérieur de la ceinture de défense du Schutzwall West... en statut de "Zone de guerre" depuis juillet, et maintenant au beau milieu de la ligne de front allemande ! [9]
Une organisation combattante se met en place sur la base de cette offensive alliée vers le Rhin programmée fin septembre au plus tard [10]. Avec le GMA et le 1er RCV FFI. En coopération avec le 2ème SAS qui sera spécialement parachuté à cet effet. Avec l’évidente implication d’hommes des administrations, d’élus locaux, de membres du clergé... et de la population ! Elle est la raison d’être de ce qui s’appellera Opération Loyton [11]. Illustration :
– Le GMA Vosges (Groupe Mobile d’Alsace Vosges) [12]
Né en mai 1944 il est une des émanations de la "7ème colonne d’Alsace" de Paul Dungler et de son aboutissement pratique que fut le GMA (Groupe Mobile d’Alsace, composante de la résistance alsacienne) [13]. Existe déjà une ébauche de GMA Sud, aux contours en cours de définition [14]. Suivra peu de temps après la création du GMA Suisse (commandant Georges)
A sa tête le "commandant Marceau" (Marcel Kibler), co-fondateur historique du GMA dans le sillage de Paul Dungler
Rappelons que ce qui deviendra le GMA Vosges a pu commencer à prendre forme grâce au travail mené dès octobre 43 sur le terrain par 3 hommes clés : Louis Schmieder (dit P’tit Louis), Roger Gérard (alias Genet) et le docteur René Meyer (le futur "capitaine Marc")
Le PC s’installera à Laneuveville les Raon dans la ferme de la Basse Jolie
Le recrutement des "troupes" commence en mai, à partir d’une poignée de clandestins vivant dans les bois de la haute vallée de la Vezouze (regroupés par René Ricatte, le futur "lieutenant Jean Serge") et progressivement se continue dans la vallée de la Plaine jusqu’au haut de Moussey
Cette vallée, qui va de Raon l’Etape à Raon sur Plaine et Raon les Leau et débouche sur le col du Donon, deviendra le "fief" du GMA Vosges
Notons toutefois que sa 6ème (dite aussi 5ème) centurie se compose pour l’essentiel d’hommes "prêtés" par l’organisation de résistance de Moussey (52 sur 69 dont son chef René Valentin)
Il met progressivement en place une structure de type militaire, les "centuries", et échafaude les premiers projets d’organisation : installation de camps dans la forêt, appuis et recrutements locaux, approvisionnement en nourriture et recherche d’armes, entraînement au combat. Il s’organise en résumé comme suit :
– Le "chef de corps" est Marcel Kibler, alias "commandant Marceau"
– Le "capitaine Rivière" (Jean Eschbach) est le chef d’état-major
– Le commandement sur le terrain est confié au "capitaine Marc" (docteur René Meyer)
– René Ricatte, le "lieutenant Jean Serge", crée de toutes pièces la 1ère centurie. Elle sera la seule véritable unité opérationnelle (l’exceptionnelle capacité de cette formation sauvera du désastre total la "bataille de Viombois" !)
– La 2ème centurie est d’abord confiée au "sous-lieutenant Félix" (aspirant Lefranc). Egalement armée mais ni complétée ni vraiment encore entraînée, elle occupera le camp des Colas Lorrains quitté par la 1ère pour s’installer au col des Herrins. Elle sera accompagnée jusqu’au 17 août d’une partie des parachutistes anglais de Loyton. En grande partie démolie les 17/18 août lors de sa prise au piège (ce que l’on nommera "l’affaire du 18 août"), elle sera confiée au "lieutenant Gallinot" (Georges Guiot... )...
– La 6ème centurie (aussi "numérotée" 5ème... ?), dite (et pour cause) "de Moussey", est commandée par René Valentin. Elle jouera un rôle capital lors du parachutage du 13 août (ce qui lui vaudra son brutal anéantissement, consécutif de "l’affaire du 18 août") [15]
– 3 autres centuries sont "sur le papier". Les circonstances les laisseront ainsi bien que certains de leurs hommes aient été actifs, tout spécialement ceux de la 3ème et leur chef en raison des courageuses initiatives personnelles prises par celui-ci, le gendarme de Raon l’Etape Maurice Croizé
Les effectifs seront d’environ 200 hommes [16]
Fin juillet, le colonel Henri Bourgeois (alias "Maximum"), délégué militaire FFI, arrive pour en superviser la coordination [17] Il est appuyé par le Lt colonel Guy d’Ornant (alias "Marchal"), adjoint du "colonel Grandval" (DMR de la zone C) et délégué FFI pour l’Alsace, puis bientôt également pour la Moselle. Henri Derringer (alias "commandant Henry", "abbé Pellegrin"... ), un homme rôdé de longue date aux missions spéciales et d’une exceptionnelle pointure [18], est parachuté par Londres le 1er septembre 44 en même temps que le staf du 2ème SAS pour en prendre le commandement opérationnel, et préalablement en "nettoyer" et rationaliser l’organisation... [19] Rapide "biographie" du GMA Vosges par Jean-Michel Adenot dans document PDF éponyme de bas de page
Les 2 "coups durs" de "l’affaire du Jardin David/18 août" puis de "l’affaire de Viombois" décideront de sa dissolution définitive les 8/9 septembre [20]
– Le 1er RCV FFI (1er Régiment de Chasseurs Vosgiens, Forces Françaises de l’Intérieur)
Il se crée dans les mêmes temps et se constitue peu après
A sa tête Emile Marlier, brillant soldat colonel des Chasseurs à Pied. Titulaire de solides états de service au sein de la Résistance de l’armée : Armée d’armistice puis ORA [21]. Il devient le 10 juin 44 chef du 3ème bureau de la Résistance du département des Vosges dont René Matz est le patron [22]
Peu de temps plus tard on lui confie la mise sur pied d’une véritable organisation militaire, ce sera le 1er RCV FFI . Sa famille habite Le Harcholet, c’est là qu’il installe de fait son PC (voir ci dessous document PDF "Le 1er RCV FFI... ")
La raison est de répondre aux nécessités de la stratégie américaine de s’appuyer sur la résistance d’ici pour réaliser la percée prévue vers le centre Alsace et le Rhin par la vallée de la Bruche. Ceci impliquant de s’appuyer sur les forces de résistance implantées de la vallée du Rabodeau à la vallée de la Fave. Les exigences étant de les regrouper en une unité militairement structurée... clairement identifiée et "gouvernable", et intégrée dans les Forces Françaises de l’Intérieur. (Voir en bas de page document PDF "Le 1er RCV FFI. Rapide biographie")
Le drapeau du régiment est le "Bleu Jonquille" des Bataillons de Chasseurs, barré de la Croix de Lorraine
Plusieurs "centuries" se forment, autour d’organisations existantes et déjà rodées : Moussey et les "villages du haut", Saint Jean d’Ormont, Provenchères... Des bataillons sont constitués et regroupent pour commencer les formations du haut de la vallée du Rabodeau, puis celles de Senones, Moyenmoutier, Etival et environs, le groupe du "capitaine Morel" et son corps franc Mallens, ceci jusqu’à vallée de la Fave. Les rejoindront quelques uns des hommes du GMA passés entre les mailles du coup de filet des 17 et 18 août puis quelques anciens "démobilisés" à la suite de sa dissolution (8/9 septembre, consécutive de la catastrophe du 4 septembre à Viombois), le groupe FTP Jacquemin/Fauth. Et des officiers et des hommes venus de la France libérée viendront en renfort, le polythechnicien Roger Quétand par exemple
Sa centurie de Moussey sera un coeur opérationnel essentiel et l’interface privilégiée avec les hommes du 2ème SAS. Mise officiellement sur pied le 25 août et commandée par le lieutenant du Génie Jean Granjon (officier d’active et résistant de premier plan, chef du "chantier forestier" installé à Moussey depuis fin de l’été 43 et en lien de fait avec l’organisation de résistance des Eaux et Forêts. Rapides portraits dans documents PDF de bas de page). Notons que celle-ci succède à la 6ème centurie du GMA Vosges, déjà dénommée "centurie de Moussey", qui venait d’être anéantie dans "l’affaire du 18 août". Explications ci dessus et dans page La réaction allemande. Cliquer
En réponse à la pression du général Patton, soucieux que tout soit prêt pour effectuer la percée prévue par la vallée de la Bruche, il recentre ici son dispositif pour s’articuler sur le plan de passage des cols. La coopération sera étroite avec les forces spéciales britanniques de l’Opération Loyton [23]
Fin août se constitue officiellement le 1er bataillon (souvent dénommé à tort 2ème ou 3ème). Celui-ci regroupe les hommes du haut de la vallée du Rabodeau sous le commandement de Denis Fondeur (garde général des Eaux et Forêts basé à La Petite Raon, appartenant au réseau de résistance des Eaux et Forêts de la Conservation de Saint Dié). Ses unités les plus actives sont la "centurie de Moussey" du Lt du Génie Jean Granjon (son adjoint est Henri Blaise), la centurie d’André Valentin (alors instituteur à Le Puid) et Marcel Dubois (instituteur à Le Saulcy-Quieux), la centurie de La Petite Raon, commandée par Oscar Gamache (ex adjudant des Chasseurs à Pied, beau-frère et ancien compagnon d’armes de René Valentin). L’organigramme figure ci-dessous dans document PDF Haute vallée du Rabodeau. Organisation FFI. Le très mobile corps-franc Mallens tiendra une place particulière dans l’action terrain et la réception des parachutages (de celui du 3 septembre à Gemainfaing à son dernier (décédé au petit-matin) du 21/22 à Moussey-la Charbonnière...
D’autres unités sont également constituées : le "corps-franc" commandé par Constantin Mallens cité plus haut (ancien militaire, membre de l’OCM, garde forestier à Senones, lieutenant FFI alias "Etienne"...), le 2ème bataillon (capitaine Roger Quétand) de Senones/Moyenmoutier, le groupe d’Etival de l’abbé et capitaine de réserve Marcel Salle, le "Maquis Morel", dirigé par Emile Finck (alias "capitaine Morel", instituteur alsacien évadé ici), son groupe du capitaine Paul Maurice et ses "groupuscules" de circonstance, le groupe FTP Jacquemin/Fauth-instituteur de Vieux-Moulin... et des unités de service commandées par Robert Marlier (fils du colonel)
L’effectif total recensé comprendra environ 800 hommes
Les parachutages sont articulés avec les équipes opérationnelles britanniques : captain Druce (2ème SAS), captain Gough (SOE Jed Jacob), captain Hislop et Lt Johnsen (F Phantom). Nombre d’opérations propres aussi
Les plus de 2 mois de retard de la mise en place de l’offensive alliée pour traverser le massif des Vosges [24] et la consécutive énorme "machine de guerre" mise au point par l’état-major allemand pour venir à bout de la Résistance d’ici (l’« Aktion Waldfest ») se traduiront par 3 mois de traque acharnée des Einsatz Kommandos du Sipo/SD (aidés de supplétifs français et de collaborateurs du PPF, de la Feld Gendarmerie de Saint Dié et de la Wehrmacht). Les pics en seront 3 vagues successives de déportations : celle du 18 août, celle du 24 septembre, et le "coup de grâce" de celle du 5/6 octobre. Les parachutistes anglais compteront 40 capturés dont 39 morts [25]
– Le 2ème SAS (2ème Régiment de la Special Air Service Brigade)
La mise en place de l’« Opération Loyton » démarre dans la nuit du 12/13 août par le parachutage des avant-gardes à la "Côte du Mont" : 15 hommes, du SAS, du F Phantom, du SOE (Jed Jacob) [26]
Après Viombois et le sabordage consécutif du GMA, les forces déjà parachutées de Loyton se regroupent toutes sur la haute vallée du Rabodeau, ne pouvant plus compter que sur le 1er RCV FFI
Le colonel Franks rapatrie ses hommes et tout l’état-major sur sa base opérationnelle de Moussey. Celle ci, sous le commandement du captain Druce, fonctionne à la "basse de Lieumont" depuis le début de l’Opération Loyton (rappel : avant-garde parachutée la nuit du 12/13 août)
Les effectifs se répartiront pour l’essentiel entre ce camp de base (des abris dispersés au pied de la "Côte des Chênes), des maisons isolées du village (Evrard/MF des Chavons, Huin/"Cocusse", Sayer/"Noné", Bati, Launay/Les Grandes Gouttes, Pierrat/ferme Ferry... ), des maisons du hameau voisin du Harcholet (Dony, Georges, Gander, Fays... ), des maisons de La Petite Raon (Diéda, Toussaint, Nartz... ), la maison Thomas de Le Puid... Ils sont appuyés par la centurie de Moussey du 1er RCV... et par les habitants
La mission du SAS s’appelle Opération Loyton. C’est la plus importante des opérations de toute la guerre menée par le 2ème SAS sur le territoire français (son chef de corps, le Lt colonel Brian Franks, brillant officier des Forces Spéciales Britanniques de 34 ans, viendra la diriger en personne sur le terrain !). Elle est de préparer le terrain en coopération avec le Maquis en vue de l’offensive Patton vers le centre Alsace et le Rhin :
– Harceler les positions stratégiques allemandes, détruire les convois d’approvisionnement, déstabiliser l’état-major de la Wehrmacht, renseigner la 3ème armée US en temps réel... Sa finalité étant de sécuriser l’accès à la vallée de la Bruche
– Coopérer pour ce faire avec les hommes du maquis, armer et équiper celui ci, coordonner les parachutages...
102 hommes des Forces Spéciales Britanniques sont parachutés ici à cet effet [27] en 6 vagues successives du 13 août au 22 septembre [28]. Le 2ème SAS est accompagné d’une équipe SOE (le Jed Jacob) commandée par le captain Gough, et assisté de 2 équipes du GHQ Liaison Regiment/F Phantom, la première commandée par le captain Hislop, la deuxième par le lieutenant Johnsen. Notons que le SOE et le BCRA avaient dès la fin du printemps 44 renforcé à cet effet leurs antennes sur place, notamment grâce aux liaisons établies dès 1943 par le tandem Simonot/Dubois (contacts personnels, liens CDLR et autres réseaux). Ce sont ces 2 hommes et leur équipe qui ont reconnu et fait agréer les 2 terrains de parachutage Anatomie/Côte du Mont et La Charbonnière/Moussey (au moins ceux-ci)
Ainsi, le « Maquis d’ici » compte plus de 1 000 hommes disponibles ici début septembre [29]. Conformément aux plans stratégiques des Alliés, et répondant aux volontés politiques de Londres
Notons, la liste n’est pas exhaustive, le rôle majeur joué dans l’organisation par les hommes de l’administration des Eaux et Forêts, aujourd’hui ONF : solide réseau d’information, connaissance du terrain, courage tranquille, discrétion absolue. Du garde à l’ingénieur.
Ils l’ont payé au prix fort [30]
La même remarque s’applique aux gendarmes. A ceux de Moussey tout spécialement, en effet :
tous résistants, 3 exécutés et 2 déportés, 1 seul "rentré" [31]
Et puis il y a bien sûr ceux sans lesquels rien n’aurait été possible, la masse des "résistants ordinaires" : ouvriers ou directeurs, bûcherons ou curés, élus ou secrétaires de mairie, instituteurs ou cultivateurs. Ceux là qui tous les jours et sans faire de bruit, ont guidé, caché, hébergé, transmis, falsifié, soigné, transporté, nourri ... [32] Les humbles. Ces à peu près tous oubliés des honneurs d’après... Et même de l’Histoire !
Quelques faits pour situer la place particulière tenue par Moussey pendant les Maquis de 44. Rapide résumé :
– Moussey fut la principale plaque tournante des filières de passage du massif du Donon. Une solide expérience de la clandestinité acquise par 4 ans de pratique dans la réception des évadés venus du versant alsacien, le passage et l’accueil, la fourniture de faux papiers, l’hébergement, le camouflage, les liaisons et le transport vers les filières aval de transit et d’exfiltration. Une solide expérience consécutive dans le renseignement [33]
– C’est une résistance parfaitement organisée et encadrée, de longue expérience... et qui sait fonctionner dans la plus absolue discrétion ! Elle est encadrée par un véritable "gouvernement" de l’ombre, au coeur duquel sont les 4 principaux "chefs du village" : Jules Py, le maire et en même temps directeur général des usines Laederich, Achille Gasmann, le curé, Lucien Simonot, le directeur de l’école des garçons, Marcel Demaline, le brigadier de Gendarmerie. Un type d’hommes que l’on respecte ici, pour la fonction qu’ils occupent, leur comportement face à l’occupant, leur passé de soldats, leur loyauté et leurs qualités d’homme tout court exprimées au quotidien. Un atout rare dans l’histoire des "années noires", qui conforte l’implication de toute la communauté de ces habitants d’ici viscéralement hostiles à la domination
– C’est Lucien Simonot, directeur de l’école des garçons et secrétaire de mairie, Franc-maçon et CDLR, qui est le premier véritable organisateur de la Résistance de la vallée du Rabodeau. Officier de réserve (capitaine), vétéran de la première guerre, combattant de la campagne de 40 libéré des camps de prisonniers parce qu’enseignant. Il en fut le chef jusqu’à son arrestation (4 janvier 44)
– C’est ici qu’est installé depuis mi 43 un "Chantier forestier", fait d’un peu plus de 20 militaires d’un détachement "forestier" de la Compagnie de Travailleurs 10/11 du Génie, venu de Commercy et commandé par le lieutenant du Génie Jean Granjon. Lui et les hommes formeront ici un noyau de résistance sous couvert d’exploitation forestière au service de l’armée d’occupation, intégré dans l’organisation de résistance de l’Administration des Eaux et Forêts de l’arrondissement de Saint Dié (dirigée par l’inspecteur principal Louis François et son adjoint Jean Marie François Pelet). Le lieutenant Granjon reconstituera le 25 août 44 et commandera une nouvelle "centurie de Moussey", celle ci attachée au 1er RCV FFI (la première, "prêtée" au GMA Vosges, ayant été à peu près totalement détruite par les exécutions et déportations consécutives de "l’affaire du 18 août"... ). Le lieutenant Granjon maintiendra jusqu’au bout une coopération particulièrement étroite avec l’état-major du SAS
– C’est ici, jusqu’à "l’affaire du 18 août", qu’est installé le poste de radio de la résistance locale. Dans la maison de "la Brunette" et d’Henri Loewenguth. Ce dernier sera "pris" le 18 août, interrogé à Schirmeck il ne parlera pas malgré d’effroyables tortures et sera exécuté au Struthof ! [34]
– ...
– C’est ici le "noyau dur" des parachutages de 44 : 5 auront lieu ici, depuis celui des avant gardes de l’Opération Loyton dans la nuit du 12/13 août à la "Côte du Mont" jusqu’à ceux des jeeps et des derniers renforts les nuits des 19/20 et 21/22 septembre à la "Charbonnière"
– C’est ici que viendra définitivement s’installer le centre opérationnel de l’Opération Loyton : état-major dans les maisons du village et du hameau du Harcholet (maisons Dony, Georges-"Piton", Pierrat-"Ferme Ferry"... ), "garnison" dans des abris forestiers près du château d’eau de Lieumont. Assistés par la "centurie de Moussey" du 1er RCV FFI (et le maire, le curé, les gendarmes, les gardes forestiers... et les habitants !)
– ...
– C’est ici aussi que viendront se réfugier pour échapper à la traque des Einsatz Kommandos du Sipo/SD les chefs des 2 maquis d’ici quand tout fut prématurément fini pour eux. Par exemple (liste non exhaustive !) : chez Alphonse Farine de mi septembre à fin octobre pour le colonel "Maximum" et le staff du GMA Vosges, chez Jean-Baptiste Huin ("le Cocusse") après le 24 septembre pour le colonel Marlier, chef du 1er RCV FFI, dans de multiples refuges d’ici (maisons Freine, Huin, Bati, Pierrat (ferme "Ferry"), maison forestière des Chavons, base SAS de Lieumont... ) pour le cdt Derringer et ses accompagnateurs rescapés de la "vingtaine Perrin" (ancienne 3ème vingtaine de la 1ère centurie du GMA Vosges)... Le garde chasse Freine y jouera là, une fois de plus, un rôle capital
Moussey fut consécutivement depuis les débuts de l’Occupation l’objet d’une surveillance particulière, rapidement devenue traque aux insoumis puis chasse aux "terroristes", qui s’étendit aux villages des alentours. Les insuccès malgré tout répétés de la traque allemande amèneront le haut commandement de Strasbourg et d’Epinal à décider "d’en finir" par la solution, radicale, de la rafle et déportation des populations. C’est ainsi que Moussey fut le coeur des 2 premières : celle du 18 août et celle du 24 septembre 44... Elle est aussi la commune qui proportionnellement à sa population a payé le plus lourd tribu : plus de 230 déportés (187 "citoyens officiels" du village dont Jules Py maire et directeur général des usines Laederich, les gendarmes, les gardes des Eaux et Forêts, le directeur d’école... et plus de 40 "clandestins"). Plus des 3/4 ne rentreront pas ("clandestins" compris : 231 déportés, 178 morts)...