Le 30 janvier 2007, par Gerard,
Vallée du Rabodeau, la vallée aux 1 000 déportés, dite aussi la vallée des Veuves... des Orphelins. Le général de Gaulle l’appellera "La vallée des Larmes". Et pour cause : 943 déportés (1 020, "venus d’ailleurs" inclus). 661 pas rentrés (720, "venus d’ailleurs" inclus)... 64 fusillés ou massacrés, dont 39 parachutistes Anglais... 500 familles dévastées, 400 veuves, 750 orphelins...
Tous méritent le respect. Paix aux héros et aux humbles... Et peut-être aux salauds
Rappelons-nous aussi qu’aussitôt qu’on n’y prend plus garde la barbarie rampe de nouveau et s’installe. Et qu’alors reconquérir sa dignité et la liberté se paye un terrible prix
Saluons ce formidable souffle d’hommes libres que fut le Maquis d’ici
Quelques-uns de ces hommes et femmes, parmi tant d’autres. Ci-dessous quelques-uns plus directement attachés au seul village de Moussey :
Achille Gasmann, le curé de Moussey : pilier moral de l’affaire et plaque tournante du renseignement, secret après comme il sut l’être pendant
Jules Py, le maire de Moussey et directeur général des Ets Laederich : le protecteur de l’ombre. Déporté le 24 septembre 44 avec les hommes de son village (mort à Dachau le 25 janvier 45)
Lucien Simonot, directeur de l’école de garçons de Moussey, le premier fédérateur de la Résistance de la vallée... arrêté pour cela le 4 janvier 44 et mort à Neuengame
Le lieutenant du Génie Jean Granjon, chef de la "centurie de Moussey" du 1er RCV FFI, et ses hommes du "Génie forestier" [1]
...
Familles Eugène Odille, Joseph Edelbloute, Aimé Blaison... passeurs
Familles Alphonse Farine, Auguste Fays, Léon Gander, Joséphine Blaison, René Lallevée, Henry Dony, Jean-Baptiste Huin, Georges Evrard, Henri Loewenguth. Familles Seyer ("Noné"), Pierrat de la ferme Ferry, Clément et Henri Launay des Grandes Gouttes. Familles Dieda, Toussaint et Nartz de La Petite Raon. Familles Thomas du Puid, Georges du Harcholet [2], Georges et Ropp de Quieux... hébergeurs de clandestins et des parachutistes Anglais
André Bastien chef du garage des Ets Laederich, Joseph Edelbloute et "Riri" Poirson, Adrien Colin et Oscar Zimmermann, Robert Odille... chauffeurs et transporteurs des "passés"
Constantin Mallens, garde forestier à Senones, lieutenant FFI (alias Etienne), "chef de bande" (corps-franc) au 1er RCV FFI, retrouvé mort à "La Basse" à Moussey le 22 septembre 44 par "Mimile" Gérard...
Marie Madeleine Lallevée, la sage-femme directrice de la Maternité, déportée à Ravensbrück avec sa fille Marie-Louise pour son aide aux traqués...
Renée Gonand Valentin de Le Puid. Agent de liaison, qui n’a pas "parlé" sous les tortures de Ernst à Saales ni au camp de Schirmeck, épouse et résistante du terrain du devenu après guerre conseiller général du canton de Senones André Valentin... Rentrée brisée corps et âme, et outrageusement laissée dans l’ombre
Les gardes des Eaux et Forêts (brigadier Julien, gardes Claude, Evrard, Léonard) [3] : guides, passeurs, refuges des traqués et des SAS... tous déportés pour cela. Et dont les femmes ont continué la mission jusqu’au bout [4]
Albert Freine, le garde chasse "homme des bois" : le guide et "espion", infatigablement partout, et au courant de tout (notons la "fraîcheur" des renseignements obtenus directement des chefs allemands de la contrée dont il était tenu d’organiser les "safaris"). Le "libertaire" et audacieux Robert Veyer
Les gendarmes de Moussey : brigadier Demaline, gendarmes Koch, Morelle, Rappenecker, Teyber). Leur désobéissance à Vichy, leur précieuse couverture de "représentants de l’Etat", leur "usine" à faux papiers articulée à celle de la Mairie, leur exemplaire loyauté... tous déportés le 18 août pour cela [5]... les gendarmes de Provenchères [6], de Raon l’Etape, de Badonviller, de Cirey sur Vezouze...
René Valentin, chef de la première des 2 centuries de Moussey et ses hommes (5/6ème centurie du GMA Vosges, noyau dur du parachutage des avant-gardes anglaises, saignée à blanc suite à "l’affaire du 18 août")
Aimé Blaison, Maurice Vincent, les gendarmes de Moussey, Lucien Simonnot en tant que greffier de la mairie... faiseurs de faux papiers
Georges Adenot, le chef d’exploitation du "petit train de Moussey" dans lequel il a "fait monter" tant d’évadés et qu’il a su saboter aux moments opportuns
Jean-Pierre Tisserant de Vieux Moulin-La Rochère, une plaque tournante des liaisons et cache d’armes et matériels
Paul Maltempi, Camille Poirson, Henri Loevenguth, Jean Ruffenach et sa famille (scierie Rielle/Ruffenach), famille Duloisy, Ernest et Aimé Vigneron... André Defrance, Edouard Malaisé, Henri Lalevé... Joseph Clavelin, René Farine (le "petit René", estafette des Anglais)... Frédéric Bardol et sa femme Frédérique née Ruffenach, Marcel André, Lucien Villemin, René Launay, le douanier Paul Vauthier (père d’Arsène) [7]... le turbulent Robert Veyer et sa famille
Les fournisseurs de ravitaillement : le boulanger Beauquel, le boucher Henri Lalevée, madame Durand épicière au "Bout du dessus" et ses enfants, les "Abeilles" de Moussey (Vançon... ), les boulangeries-épiceries Vuillaume de St Stail, Thomas de Le Puid, Gantelet de Senones...
Les passeurs alsaciens "Hans Chamantou", Simon, Ledig... l’incroyable organisation de Michel Ferry (1 000 "passés" recencés) [8]
Les résistants alsaciens de la vallée de la Bruche, autour de René Stouvenel, Michel Ferry... [9]
Les "passés" venus d’Alsace s’engager dans la Résistance d’ici : Etienne Ferry, Jean Ferry... Antoine Heiligenstein (qui rejoindra l’Angleterre et combattra dans le 4ème SAS) [10]...
Ces autres piliers ou relais, tant de la filière des Passeurs que de l’organisation des réseaux de la Résistance, que furent Aubert (receveur PTT de La Petite Raon), Ernest Perrin (famille d’instituteurs de Senones), les Froitier parents (instituteurs retraités de Senones) et leurs fille (femme de Marcel Dubois, institutrice à Le Saulcy) et fils (instituteur à Lamarche 88, fondateur de CDLR Vosges) [11], l’industriel Larue maire de Senones, l’industriel Prêcheur de Senones, le pharmacien Georges Hauessler de La Petite Raon, le capitaine de Gendarmerie Debrosse de Baccarat, le chef de gare Lambert d’Etival-Clairefontaine, Marcel Salle curé d’Etival-Clairefontaine... les relais des chauffeurs à partir des usines Laederich de Rupt sur Moselle (88) et Haut du Them (70) [12]
...
Les 102 parachutistes Anglais venus se battre aux côtés des gens de chez nous du 13 août à mi octobre 44, dont 39 ont perdu la vie pour cela
Et tous ceux dont la liste est trop longue pour être dépliée ici : tous ceux qui n’ont pas osé ou su "en parler"... tous ceux qui restant fiers à la manière des gens d’ici n’ont pas voulu s’afficher... tous ceux qui n’en sont pas revenus, tous ceux dont le seul livre d’histoire publié est leur nom sur une plaque de la tombe familiale ou dans l’interminable liste du "Monument des Déportés" [13]
Rien que pour Moussey, 231 hommes et femmes ont été déportés (9 femmes) : 187 citoyens du village et 44 "venus d’ailleurs". 144 du village et 34 des "venus d’ailleurs" ne sont pas rentrés. Il y eu quelques miracles [14]
Et il y a tous ces autres d’ailleurs [15], autres inconnus ou oubliés qui ont "fait quelque chose" (tant n’ont rien fait) et ont ainsi donné sa hauteur au mot Résistance. Auxquels on a peu ou n’a pas du tout dit merci. En voici un, Fernand Rebourg, dévoilé au travers de sa "Lettre à Suzanne" (Suzanne deviendra sa femme). Un immense merci à cet homme discret et à sa famille de nous l’avoir confiée, à Liliane Jérome et moi. Je suis ému et fier de la publier ici (document PDF éponyme de bas de page)
[1] Précisions : le lieutenant Granjon et les hommes de sa section du "Génie forestier" sont installés au village depuis fin de l’été 43. Vite "instruits" par les habitants, ils deviennent un noyau de Résistance, sous couvert de leur mission d’exploitants forestièrs au service de l’armée d’occupation, et en lien de fait avec l’organisation de Résistance de l’administration des Eaux et Forêts de l’arrondissement de Saint Dié. Ils seront le véritable coeur opérationnel de l’organisation d’ici et l’interface privilégiée des britanniques de l’Opération Loyton
[2] Victor Georges, dit ici "le Piton", appelé "père Georges" par les Anglais : tabassé, ferme brûlée, déporté à 67 ans, mort à Dachau. Rapide bio. Cliquer
[3] Notons que s’étaient également comportés en Résistants leurs 2 prédécesseurs, les brigadiers Paul Gérard et Eugène Cladt
[4] Un exemple avec Georges Evrard (maison forestière de Moussey/les Chavons) et sa femme Andrée Bati : lui, arrêté chez lui le 18 août 44 puis déporté (Dachau... Vaihingen), sa femme, qui a "continué" seule jusqu’au 8 octobre (chassée avec le bébé et la maison forestière brûlée)
[5] Marcel Demaline a été choisi comme Parrain de la 484ème promotion de l’Ecole nationale de Gendarmerie de Chaumont (document PDF dédié de bas de page), Charles Rappeneker de la 490ème, Joseph Teyber de la 495ème... il y a aussi l’ex-gendarme de Moussey Georges Doridant (révoqué par Vichy, résistant jusqu’au bout), le gendarme Thiernesse de la brigade de Senones (chef de centurie du 1er RCV FFI), le gendarme Paul Joyeux (alias "Camille"), basé à Epinal et "correspondant" du réseau Mithridate... Parmi les documents utiles à consulter, ceux qu’indique ce répertoire des archives de la Défense Nationale. Cliquer
[6] Un aperçu au travers de ce récit, site Le monde en guerre. Cliquer
[7] Douanier. Anciennement affecté dans la Sarre occupée (il y trouvera sa femme), maintenu dans sa fonction après la "dés-occupation" de celle-ci et la défaite de 40. Domicilié à Moussey/La Basse. Affecté pendant l’Occupation, avec une équipe basée à Allarmont/La Sciotte, à la surveillance locale du trafic routier dans la vallée de Celles. Une opportunité qu’il saisira pour "renseigner" la Résistance de Moussey, son principal correspondant y est Albert Freine
[8] Filières des Passeurs Bruche-Rabodeau, étude de Liliane Jérome. Cliquer
[9] Quelques uns de ceux-ci sur site Gagnier de Wisches. Cliquer
[10] Antoine Heiligenstein, "évadé" de Bourg Bruche vers Belval avec sa famille, engagé à Epinal en juin 40 à 17 ans dans la marine pour rejoindre le Maroc, gagnera l’Angleterre en 43 et combattra dans le 4ème SAS. Rapide bio. Cliquer
[11] Georges Froitier et sa femme Georgette, rapide bio. Cliquer
[12] Le château Montmaur et son réseau "La Chaîne" :
Château de Montmaur. Cliquer
Le commandant Mauduit et "La Chaîne". Cliquer
[13] Pour exemple, et pour qu’on sache, le prix payé par la famille Dumoulin de Moussey, dans document PDF de bas de page (extrait de l’ouvrage de Liliane Jérome/CERD Struthof Livre Mémorial des victimes de Viombois)
[14] Anecdote, elle n’en fut pas une pour lui puisqu’elle lui sauva la vie : capturé début novembre, le Lt Granjon réussit à s’évader de sa cellule du sous-sol de l’officine senonaise du Kdo Wenger (domicile de la famille Larue réquisitionné) où il attendait d’être exécuté le lendemain, grâce à un clou aplati niché dans la terre battue qui lui servit à démonter la serrure... En dépit des séquelles d’horribles tortures infligées par le "Lt Müller" et ses hommes du SD il gagna l’église à travers les jardins, de nuit et dans la neige, fut caché dans le clocher par le curé Claude, rejoignit un peu plus tard à son logement le gendarme Thiernesse, remonta se cacher chez "Noné" à Moussey... et installa le 23 novembre sur le clocher de l’église le drapeau tricolore de sa section du Génie pour marquer la Libération du village (la veille, 22, par les hommes de la 100ème DI US). Un extrait de son récit dans document PDF de bas de page
[15] Inventaire des quelque 600 000 dossiers de personnes ayant participé à la Résistance, site du SHD. Cliquer