Retour sur ce "Pourquoi", publié le 19 janvier 2007
Les gens d’ici ont refusé de vivre à genoux. Simplement. Naturellement... parce qu’ils étaient appris comme ça ici par la force des choses [1]. Des gens simples, mais fiers et libres
Le prix qu’ils ont payé cela fut immense... Ils l’ont pourtant accepté comme normal dans leur sens des choses. Et ils n’en parlaient jamais
[2]
Il fallait bien un jour le dire aux ignorants et réveiller les oublieux [3]. Pour rappeler ce sursaut d’hommes libres, leur solidité morale et leur loyauté [4]. Ce n’était pas si simple de résister au diable [5]... et combien n’ont pas essayé. Aussi, pour qu’on sache bien ce qu’est la Liberté et le prix qu’il en coûte quand on a oublié de le savoir [6]
C’était il y a longtemps, et un autre temps. Mais c’est pourtant encore comme ça aujourd’hui ailleurs !... La leçon mérite donc de rester écrite au tableau [7]
Ce site n’est pas un recueil de potins, ni un Paris Match de l’époque, un Gala de ses gloires... Encore moins une, une de plus, "couverture tirée à soi"... Ceci a déjà été fait [8]
Il découvre une histoire vraie, une histoire d’hommes, abandonnée dans le silence de ceux qui l’ont faite et aujourd’hui plus là pour la dire [9] : celle de citoyens ordinaires refusant de vivre couchés
Il est un cri du coeur qui rappelle à sa façon ce qu’a été le cadre de la vie des gens de Moussey et de la vallée du Rabodeau, mis sur la frontière du Reich pendant ces 5 années de guerre [10]. Ils étaient nos parents et grands parents. Pour au travers de cela :
Mesurer et comprendre leur "tous les jours". Ce qu’ils ont du faire pour refuser, ce qu’ils ont su faire pour fabriquer de l’espoir, ce qu’ils ont risqué et payé en faisant ce qu’ils ont fait [11]. Mieux comprendre aussi cette étrange marque que nous leurs enfants portons [12]
Nous rappeler que rien n’eut été possible sans ces "petites gens" de l’ombre : ouvriers ou directeurs, bûcherons ou curés, élus ou secrétaires de mairie, instituteurs ou cultivateurs, gardes des Eaux et Forêts, braconniers ou gendarmes... Ils ont accueilli, caché, hébergé, renseigné, fourni des faux papiers, guidé, transporté... tous les jours et pendant les 53 mois de l’Occupation... De bon coeur et avec foi, sans faire de bruit. Est-ce pour cela qu’ils ont été ignorés de la reconnaissance d’après... et même de l’Histoire ? [13]. C’est bien dommage qu’ils soient restés dans l’ombre ou inconnus. Mais après tout ne leur reprochons pas à eux d’avoir si peu ou pas du tout raconté leur histoire, remercions les plutôt d’avoir fait l’Histoire et de nous avoir redonné le droit de parler et faire en liberté
Remettre à sa place à cette occasion la vallée du Rabodeau [14] et ses voisines immédiates dans le contexte de la guerre et de la Résistance [15]... Rappeler que ce qui s’est passé ici ne doit rien au hasard... "Nettoyer" le peu d’histoire d’ici officialisée jusque là, aussi [16]
Cette histoire, notre histoire, est aussi celle de ces 102 hommes des Forces spéciales britanniques parachutés chez nous pour l’Opération Loyton. Ils ont vécu et se sont battus ici du 13 août à mi octobre 44 avec nos parents, ont été traqués et exterminés comme eux, et 39 y ont laissé leur vie [17]
Saluer donc ces hommes et femmes pour ce qu’ils ont osé et su faire. Ils étaient d’ici, d’autres étaient venus d’ailleurs. Certains croyaient au Ciel et d’autres pas, tous croyaient à la vie. Ils ne se croyaient pas des héros, ils nous reprocheraient de le croire, ils n’étaient que des gens ordinaires [18]
Leur dire merci de cet héritage de foi en la vie qu’ils nous ont laissé... Comprendre et retenir ce que portent ces mots qu’ils nous disaient quand "on étaient petits", avant qu’on appelle ça "La Résistance" : "mais, mo p’tiot, on n’a fait qu’ not’ devoir" ... Retenir la leçon [19]
Leur quotidien ça a été ça, leur Champ d’Honneur à eux : "... ce refus de capituler est à peu près la seule dignité à laquelle (l’homme) peut prétendre" (Romain Gary, Compagnon de la Libération) [20]
Merci de l’attention que vous y porterez [21]
Gérard Villemin
A mon père, Lucien, Moussey 24 septembre 44, Dachau 114 389, Mühldorf 28 mars 45, et à tous ceux qui ont fait quelque chose. A Armand et Yvonne et à tous ceux qui ont décidé de repartir avec tout ça sur le dos. A tous ceux auxquels leur père a manqué
A mes enfants et à tous les enfants. Pour qu’ils sachent, et construisent le monde autrement [22]
Merci à tous ceux qui m’ont les yeux dans les yeux dit leur vécu, c’est d’une mémoire directe qu’il s’agit d’abord ici. De l’histoire sortie des âmes et des tripes, confession et testament
Ce qu’ont vécu ces hommes et ces femmes m’a gardé la force de sortir de l’ombre leur histoire... qui est la nôtre et l’Histoire tout court. Ils m’ont demandé à leur façon de ne pas les juger, simplement de les laisser ce qu’ils étaient . J’ai juré de ne jamais les trahir, ni faire commerce de leur vie. Je souhaite que celle-ci nous "serve de leçon" et nous aide à construire notre monde "autrement" [23]. Ils s’appellent Roger Leboube, Marius Schmit, Marcel Dolmaire, Bernard Py, "Riri" Poirson, les Launay des Grandes Gouttes... Robert Wantz, Georges Goeury, Madeleine Courrier-Georges, Michel Fresse, Jean Claudel, Jean Muller, Paul et Lucette Maltempi, John Borel... René Farine, Ernest, Bertha et Aimé Vigneron, André Marchal, les familles Maurice et L’Hote, Jean Hulbach, Roger Clavelin... Camille Reich, André Beaujon, Marcel, Jean-Pierre et Rosa Houel, Albert Freine, Gaston et Jacques Thomas, Roger Gérard, Roger Laxenaire, Pierre Creusot, Georges Marcot, Achille Gasmann... Maurice Faure, Eugène Martin "Tèque", Ginette Magni-Colin, Henri, Paule et Paul Blaise, Jeanne Wohlgemuth... Octavie Poirot, Paule Valentin, Marcel Sauce, Marthe Goeury-Maugenre, Frédéric Bardol, Danièle Bardol-Maugenre, Joseph et Armand Edelbloute, Gisèle Loewenguth... Gisèle Michel-Grab, Lucienne "Den" (Launay), Henry Duloisy, les Huin "Cocusse" et "Bôbô". Odile Marchal, Jules et Alphonse Clauvelin, Emile Gérard... Jean Vuillaume, Gilbert Pierrat, Robert Lalevée, Arlette Veyer-Vincent, Michel Vauthier, Sylvie Fondeur, Robert Laurain... Marcel, Aimé et Fifine "Noné" (Seyer), Len Owens, Nina Johnsen, Georges Evrard, Pierre Diéda,.. Yvonne et Armand et mes 3 familles des 2 versants des Vosges, Maurice Vincent, Henri Chenu, Madeleine Fays, Marcel André, Roger Colin... Georges Maire-Lantz, Jean Reibel, Robert Egly, André Lefèvre, Yvette Martin-Beck, Anne-Marie Richard, Marie-Rose "Rosette" Lalevée-Klein... Gaston Tisserand, Pierre Cérutti [24], Oscar Gérard [25] et à travers lui son ami René Darbois [26], Clovis Faure... parmi la foule de tous ceux qui m’ont appris depuis gamin ce que "ça a été" et m’ont répété de faire attention à ne pas me tromper de combat. Ils ont donné sa morale à ma vie : "Fuis les éloges, mais essaie de les mériter" (Fénelon)
Merci à ceux qui m’ont cru et "y ont cru", aux quelques-uns qui m’ont donné un coup de pouce dans la "concrétisation". Chacun à sa façon [27] : Jacques Defrance et Arsène Vauthier, Maryvonne et Georges Bau, Claude et Renée Lionnet, Michèle, Yvette et Jean-Louis les enfants du lieutenant Jean Granjon, la famille de Jules Py : ses enfants Bernard, Geneviève... ses petits-enfants Emmanuelle, Catherine... Danielle Meier, les Britanniques de SAS Regimental Association réunis autour du colonel Keith Edlin... Wesley R... ceux de Allied Special Forces-Memorial Grove Association réunis autour de Mike Colton, Richard Stimpson... ceux des familles des parachutistes de l’Opération Loyton : Len Owens et ses enfants Jane et Robert, son petit-fils Chris, Nina Johnsen et ses enfants Josephine, Hugo et James, les familles Hislop, Elliot, Whately-Smith... les cinéastes-documentaristes Gordon Stevens et Chris Lethbridge (Secret Hunters et Justice SAS style)... [28], Liliane Jérome [29], Oscar Gérard, Pierre Cérutti, Roger Leboube... Wesley R... Jean-Louis Lemaire, Maxence Lemaire et Eric Choffel, les initiateurs du "Centre de Mémoire de Moussey" [30], les cinéastes-documentaristes Robin Hunzinger et Christophe Lagrange (L’homme qui voulait savoir et Viombois, la bataille du hasard [31]. Une mention spéciale s’adresse à l’équipe du CERD Struthof [32]
Faits, parmi tant d’autres, qui m’ont beaucoup fait réfléchir sur la nature de l’homme :
– Sa passivité : ici l’accueil de la foule au maréchal Pétain à Nancy, Epinal, Dijon le 26 mai 44, c’était 11 jours avant le Débarquement de Normandie ! Cliquer
– Sa capacité à rester debout : ici ces paroles de Stefan Hessel. Cliquer
– ...
– La "Lettre de Simone Weil à Georges Bernanos". Cliquer