La "Vallée aux 1000 déportés"
Les 3 principales opérations de rafles et déportations de 1944. La glaçante expression des chiffres [1] :
18 août | 24 septembre | 5 et 6 octobre | Totaux | |
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Senones | 16 | 353 | 369 | |
La Petite Raon | 2 | 191 | 193 | |
Moyenmoutier | 6 | 27 | 33 | |
Belval | 6 | 3 | 9 | |
Le Saulcy | 13 | 63 | 4 | 80 |
Moussey | 44 | 143 | 187 | |
Le Puid | 2 | 19 | 21 | |
Le Vermont | 6 | 6 | ||
Vieux Moulin | 32 | 32 | ||
Ménil | 1 | 1 | ||
Venus d’ailleurs "intégrés" | 12 | |||
Total déportés | 89 | 452 | 390 | 943 |
Non rentrés | 63 | 317 | 273 | 661 |
Fusillés et massacrés | 25 | |||
Total morts | 686 |
Ce tableau montre les 3 pics de « l’Aktion Wald Fest » dûment planifiés par le haut commandement allemand : ces 3 opérations "marteau pilon" militairement organisées pour en finir à coup sûr avec la Résistance d’ci (environ 98 % des arrestations, exécutions et déportations pratiquées pendant toute l’Occupation) [2] La chasse à l’homme fut dans la pratique permanente et ne cessera que le 22 novembre, jour de la Libération de la vallée. N’oublions pas les "dégâts collatéraux" : réquisitions matérielles et humaines, exécutions sommaires et massacres, habitations brûlées, villages incendiés... et l’acharnement à traquer pour les "liquider" les parachutistes de Loyton [3]
Au seul chapitre de la Déportation, la Résistance a directement coûté aux familles de la haute vallée du Rabodeau 943 déportés dont 661 sont morts dans les camps ("immigrants de circonstance" non inclus dans ces chiffres) [4]. Et il y a eu 64 fusillés, exécutés et massacrés, dont 39 parachutistes britanniques de l’Opération Loyton [5]
A de rares exceptions près tous ces hommes ont transité par le camp de sécurité (et de triage) de Schirmeck [6]
De là, une quarantaine de ceux du "18 août" ont été "mis à part". De ceux-là au moins 4 sont morts "tous seuls" sous les tortures des interrogatoires et 35 ont été montés au Struthof au soir du 1er septembre pour être exécutés dans la nuit du 1er au 2 [7]. Lors de l’évacuation du camp les rescapés ont été transférés vers les camps annexes ou vers Dachau
De là, ceux du « 24 septembre » et des « 5 et 6 octobre » ont été dirigés vers Haslach pour quelques dizaines, à peu près tous les autres vers Dachau. Et de Dachau vers Auschwitz pour certains, pour les autres vers Buchenwald, Kaufering, Mühldorf, les camps du Neckar... et d’ailleurs [8]
Rappelons que la vallée du Rabodeau détient de terribles records dans le grand livre des déportations pour faits de Résistance : le canton le plus touché dans sa population, le plus fort pourcentage de morts dans les camps : plus de 70 % [9]
... Et morts de quelle mort : l’épuisement au travail, la faim et la terreur... l’humiliation, les coups, la saleté et les poux... la loi du plus fort et ses mafias... l’abandon absolu ! Terroristes ici. Sous-hommes là bas. Morts comme des chiens. Débarrassés comme des détritus [10]
N’oublions pas d’ajouter ceux qui mourront à peine rentrés ou dans les premières années de leur rapatriement. Ni bien sûr les PG, prisonniers de guerre, souvent relégués ici au second plan et qui pourtant s’étaient eux aussi battus contre l’envahisseur, dans des conditions qu’il serait utile de ne pas occulter [11]. Auxquels nous devons ajouter ces autres oubliés que sont les STO, et plus oubliés encore les "Requis" de novembre 44 [12]
Ni le cauchemar qui ne cessera jamais de ronger la vie des survivants [13]. Ni la vie saccagée des familles : les mères, les 400 veuves, les fiancées, les 750 orphelins… [14]