Ferme Ferry [1]. Un des avant-derniers épisodes de l’opération "Wald Fest" [2]. Un des multiples lieux de massacre opérés dans notre vallée par le Sipo/SD [3]. Ce massacre du 12 octobre 44 est commémoré chaque année, le samedi le plus proche de sa date [4]

12 octobre 44 : 4 hommes de Senones [5] sont amenés là par une équipe du Einsatz Kommando Wenger [6], en fin de matinée, par la "route du bois", dans une "camionnette" [7] venant de la direction de La Petite Raon et qui s’arrêtera à 100 mètres au dessus de la ferme

Ils y sont exécutés [8] puis brûlés dans l’incendie de la ferme [9]. Seulement "dénichés" 4 jours plus tard par les enfants de H D, leurs restes seront inhumés temporairement sur place et bénis par le curé du village Achille Gasmann

Le nom de Constantin Mallens gravé au bas de la stèle rappelle un des autres aspects de la lourde page de la Résistance de la vallée du Rabodeau, celle « du Maquis » [10]

Emile Gérard l’a trouvé mort le 22 septembre 44 vers 6h du matin [13]. A 1 km à l’est de cette ferme Ferry, étendu face contre terre dans un pré des contrebas de la maison forestière d’Amiérupt [14]. Au matin de la nuit de celui qui deviendra par la force des choses l’avant dernier parachutage d’ici (le dernier : 28 septembre à Vieux Moulin)

Au delà des témoignages "d’homme à homme" recueillis par GV [15], l’appui de compléments, confirmations et précisions apportés par des recherches ultérieures. Merci aux contributeurs :
 Liliane Jérome : ses entretiens avec Marcelle Seyer/"Noné"
 Arsène Vauthier : son "intimité" avec la famille Mallens et les pièces du dossier, lors de la constitution du "dossier de reconnaissance" dans le cadre du décret 2004-751
 Jean-Michel Adenot : ses consultations aux archives "Le Blanc", dont PV de gendarmerie confirmant les témoignages oraux de H D et E M/T
 S’ajoutent les recherches de "consolidation" effectuées par Liliane Jérome : ses "déterrements" dans les registres d’état-civil, les archives publiques et privées, ses contacts avec la famille Mallens, par Jean-Michel Adenot : son contact avec les enfants Mallens, par Albert Denizot : ses recherches sur la carrière militaire de Constantin Mallens

Notes :

[1] La ferme Ferry, situation et rapide condensé de témoignages "directs" : H D (Henri Duloisy, dit "le Riquet"), E M/T (Eugène Martin, le T pour "Teck", sobriquet de la famille), G P. (Gilbert Pierrat, fils de Yolande et André)... :
 Son nom est celui du lieudit : "les fonds de Ferry", où se trouvaient d’autres fermes. Situées à mi-parcours du chemin de ceinture reliant entre elles les fermes du versant Nord depuis la Petite Raon-Haut Jeandon jusqu’à Moussey-Quatre vents ou les Chavons
 Elle est une de ces nombreuses fermes du village isolées en bordure de forêt qui par leur emplacement et le courage de leurs "cultivateurs" ont caractérisé pour une grosse part la Résistance d’ici : passage de clandestins, hébergement de réfugiés et de parachutistes britanniques de l’Opération Loyton (Cliquer ), approvisionnement en nourriture, camouflage d’armes, renseignement... Qui expliquent les nombreuses "visites" précédentes des Allemands, et le choix du SD de ce lieu précis pour l’exécution des hommes, et la destruction de la ferme par le feu
 Appartenant au colonel Marlier, elle était exploitée par André Pierrat (non pas Pierre, son frère, déporté du 24 septembre) et son épouse Yolande (née Henry), tous deux venus de Rehaupal (88). Tenue par Yolande seule et leur gamin Gilbert depuis 39 puisque André était mobilisé puis fut prisonnier de guerre...
 Quittée par ses occupants le matin même de l’exécution, grâce à E M/T qui est venu les chercher et les a camouflés chez A R (famille Aimé Receveur)
 Retourné peu de temps plus plus tard à la ferme pour récupérer des effets, E M/T tombera entre les mains des exécuteurs. Interrogé et durement battu, prétextant être venu chercher du foin pour ses bêtes, il sera conduit jusqu’à la "camionnette". De là il verra descendre vers la ferme les 4 prisonniers, et sera confronté au lieutenant Silly qu’il refusera de reconnaître. Eloigné de la scène d’exécution, il n’en apercevra que des mouvements d’hommes et n’entendra que les invectives, les rafales d’armes automatiques et 4 coups séparés ("de grâce" sans doute), les ronflement et craquements de l’incendie. Finalement relâché, il ne "parlera de ça" que longtemps plus tard. H D, qui camouflait un réfractaire au RAD originaire de Saulxures (Bruche), resta lui aussi muet sur les détails jusqu’après la Libération
 Yolande et Gilbert, recherchés par le SD pour avoir hébergé des parachutistes de Loyton (colonel Franks, captains Sykes, Druce, lieutenant Silly... ) vivront comme des taupes jusqu’au jour de la Libération d’ici. Retenons ce qui compte : le sens du devoir et la détermination à vivre de cette jeune femme dans son particulièrement dur quotidien, son courage de femme de prisonnier de guerre et de mère seule à la tâche. Cette femme et son gamin méritent notre respect

[2] Opération "Wald Fest", qu’est ce que c’est. Cliquer

[3] Lieux de massacres et d’exécutions sommaires. Cliquer

[4] Aperçu en images :
 La commémoration du 13 octobre 2012, dans document PDF de bas de page
 Celle du 12 octobre 2013, dans ce reportage vidéo amateur de Olivier Metauer. Cliquer

[5] Un 5ème homme les accompagnait. En toute logique il ne peut être que le lieutenant Silly du 2ème SAS, détenu depuis quelques jours du Kdo Wenger à son QG d’Etival-Ecole du Vivier, amené là pour le "faire parler", formellement reconnu par E M/T

[6] Ce qu’étaient ces Einsatz Kommandos, dont le Kdo Wenger ici. Cliquer

[7] Un 2ème véhicule, léger, accompagnait en toute logique la "camionnette" : celui de "l’encadrement"

[8] Cette exécution ne fut pas aussi simple que programmée : un des hommes réussit à s’échapper, tentant de se réfugier deux pas plus haut dans la ferme H D puis s’enfonçant vers la forêt. Atteint par les balles dans la course poursuite, rattrapé, finalement abattu (témoignage E M/T)

[9] Ces 4 hommes étaient : Henri Clévenot, Félix Gérard, Robert Laurent, Georges Starck. Reste à préciser les vraies raisons de leur arrestation, la place ou non du "boiteux" dans cette affaire... Et à publier ou non

[10] Vallée du Rabodeau, structuration du Maquis. Cliquer

[11] Constantin Mallens. Rapide bio dans dernier document PDF de bas de page

[12] 10 jours plus tard (22 octobre), par le même Kdo Wenger, seront exécutés les 2 têtes de cette Résistance des Eaux et Forêts de l’arrondissement Saint Dié (Louis François et Jean François Pelet), en même temps que 12 autres résistants dont 9 forestiers... et le lieutenant Silly. A Saint-Prayel vallée de Ravines, respectivement scieries de la Commune et de Barodet. Pour en savoir plus. Cliquer . Notons que 4 jours avant (8 octobre) avaient été incendiées les Maisons forestières de Saint-Prayel Coichot et de Moussey Chavons, quelques jours plus tôt les fermes du Harcholet Gander, Georges (Piton), Muller, Brignon, quelques jours plus tard (16 octobre) la ferme Quirin-le Major du Harcholet (exécution de 3 hommes dont 2 du SAS). Sans oublier les incendies de la scierie Balland (Moussey), de l’habitation du colonel Marlier (Le Harcholet)...

[13] "Etienne" et son équipe avait, une fois encore et avec les Anglais, coordonné et organisé la réception de ce parachutage. Ce même jour et pour cause était arrêté Paul Maltempi. Cliquer

[14] Mort d’épuisement, en service commandé, vraisemblablement d’un accident cardio-vasculaire selon constat médical

[15] Ceux de Henri Duloisy, Eugène Martin/"Teck", Gilbert Pierrat...